BRODAM
Juin 2024
J’aimerais tout quitter et partir avec toi. Que tu m’apprennes sur la route les accords magiques des guitares en bois, qui résonnent dans l’air froid pour l’imprégner de joie. J’aimerais pouvoir déplier ma chaise tous les soirs vers le large, et voir sur l’eau rouge le soleil jusqu’au fin fond des barges. Le plus beau serait gratuit, loin des lois des humains, de leur ennui, de leur folie. Je veux pouvoir jouer pour nous sans entendre de retour, les fausses notes alentour feraient rire les vautours… J’aimerais tant passer ces soirées sans penser au lendemain, vivre sur la route du présent, celle où le cœur est ardent, le carnet à la main, et parfois partager avec d’autres témoins lors de soirées uniques, un Amour ultime aux allures si tragiques.
Je veux connaître plus souvent ce moment où les dernières notes flottent dans les airs vers l’infini, se mettant d’accord avec le silence pour lui laisser cette place merveilleuse, celle de l’acceptation de la mort, de la suffisance, et partir avec lui le sourire en lune et accroché, brillant, brillant, flamboyant ! Le partager serait idéal, les questionnements enfin oubliés pour de bon ? J’aimerais tant partir, mais avec toi serait-ce encore trop simple ? La vie veut-elle que la misère d’être seuls nous pousse à la création, ou bien au contraire, serions-nous pour nous-mêmes une fusion salvatrice ? Je ne peux y répondre. Je ne peux y répondre pour le moment, les doutes et questions me refont boire la tasse, et j’espère ne pas m’y noyer. Quand je nous vois, je nous vois un peu plus ridés qu’il y a quatre ans, mais nos yeux restent les mêmes, pleins de joie et de haine, d’Amour et de peine.
Je pense pas que nous ayons peur. Je ne veux juste pas qu’au moment de partir j’aperçoive chez nous ces mêmes yeux livides car, même s’il y a peu de choses dont je suis sûr dans cette vie, je sais et j’ai ressenti en nous le frisson de la création, celui que rien ni personne ne peut acheter. J’ai vu que nous avions la clé de la porte de l’Univers, je l’ai vu, et j’espère que nous la tournerons, ensemble ou pas, pour enfin vivre parmi les étoiles, dans cet endroit où rien ne subsiste, si ce n’est que le son infini des dernières notes des guitares en bois, qui apparemment flottent dans le vide et résonnent la joie.